Critique Vol.1 Shadow of the Ring - Manga (2024)

Malgré une conclusion plus mitigée, Route End est un polar qui, notamment grâce à son atmosphère particulièrement macabre, avait réussi à nous séduire lors de sa parution française aux éditions Ki-oon entre juin 2018 et juin 2020, si bien que l'on accueille avec plaisir dans notre langue une nouvelle oeuvre de son auteur Kaiji Nakagawa en ce mois d'août: Shadow of the Ring. De son nom original Wa no Kage (dont le titre anglais de l'édition française est une traduction littérale), cette série en quatre tomes a été prépubliée au Japon de 2019 à 2021 dans le Shônen Jump+ des éditions Shûeisha, magazine numérique qui avait déjà accueilli Route End à son époque.

Dans le ciel de cette série, il y a un anneau dont l'ombre s'abat sur la Terre et se déplace en fonction de la position du Soleil. C'est dans l'ombre de cet anneau qu'un pays, le royaume de Keiju, prospère: monté sur rails, ce pays suit un circuit lui permettant de rester constamment dans cette ombre en lui faisant traverser nombre de territoires. C'est pour cette raison que Keiju a toujours pris soin, depuis de nombreuses générations, de rester neutre vis-à-vis de tous les autres pays qu'il est amené à traverser. Et cette neutralité, le royaume a su la renforcer en ayant pour grand point fort défensif les hakukai, des sortes d'amures redoutables inventées par ses soins et qui améliorent grandement les capacités physiques des personnes qui les portent. Pour éviter encore plus tout conflit avec l'extérieur, le royaume de Keiju est également connu pour être en permanence fermé aux étrangers. Les personnes de l'extérieur pouvant y pénétrer sont donc rares... et Aushi est sur le point de faire partie de ces exceptions. Passionné depuis longtemps par l'unicité de ce petit pays mouvant, ce jeune homme a la chance d'être le fils d'un notable d'un pays ami, ce qui lui permet de pénétrer Keiju où, grâce à sa sincérité et à sa bonhommie, il se fait assez rapidement accepter, croise le souverain ainsi que la reine Dawa, sympathise même beaucoup avec Kamalu l'intrépide petite soeur de la reine... Les choses auraient pu s'arrêter là. Aushi aurait pu continuer sa visite passionnée sans souci. La jeune Kamalu aurait pu continuer de vivre dans la joie avec sa grande soeur et son grand frère, ce dernier travaillant en tant que garde avec un hakukai sur lui. Mais hélas, une soudaine attaque venue de l'extérieur, par un mystérieux assassin vêtu d'un hakukai jamais vu, va venir briser l'harmonie...

Changeant totalement de registre après Route End, Nakagawa nous propose donc ici un univers fictif qui, d'emblée, intrigue facilement grâce à ses concepts de base, en particulier celui de cette ville-royaume mouvante qui bouge en fonction de l'ombre de l'anneau. Ajoutons à cela l'idée des hakukai, et le mangaka a normalement de quoi se faire plaisir sur le plan visuel... et pourtant, pour l'heure tout reste un peu trop simple dans les designs, par rapport à ce que l'on pouvait attendre d'un tel univers. L'agencement de la cité a beau séduire beaucoup vu de l'extérieur, le dessinateur en exploite moins les possibles originalités dès qu'on est immiscés à l'intérieur. Les armures hakukai, bien qu'assez intimidantes, restent plutôt simples dans leur rendu. Un tel univers fictif peut aussi être l'occasion d'offrir des styles vestimentaire et un bestiaire uniques, mais là aussi Nakagawa reste un peu trop sage à notre goût, à l'image de ce chien de compagnie à six pattes qui a une bonne bouille mais dont l'originalité se limite finalement à trois fois rien. Enfin, une question légitime se pose tout au long du tome: concrètement, à quoi sert l'idée de se pouvoir en suivant l'ombre de l'anneau ? Qu'est-ce que ça apporte au royaume ? On se pose naturellement la question, forcément, mais le mangaka ne parle jamais de ça pour l'instant, donc espérons qu'il le fera par la suite et que ce n'est pas juste un petit effet de style inutile. Finalement, le point le plus intrigant sur le plan visuel est peut-être l'allure d'Aushi, celui-ci portant en permanence une sorte de masque impossible à retirer pour une raison qui, au moins, est vite et bien expliquée.

En dehors de ça, il faut avouer que l'intrigue qui se dessine est, dans l'ensemble, assez classique pour l'instant. Afin de ne pas spoiler certains rebondissements qu'il vaut mieux découvrir par soi-même (et de ce côté-là, le synopsis en quatrième de couverture en dit peut-être déjà un poil trop), nous allons tâcher d'en dire le moins possible, en nous contentant de souligner que l'attaque de l'assassin amène deux choses, dont la plus logique et évidente est l'extension du récit au-delà du cadre de Keiju, avec la rapide découverte d'un monde sous la menace d'un grand pays aux forts désirs de conquête. Mais c'est sans doute l'issue du volume, présentant l'identité d'une personne alliée à l'assassin, qui pique le plus la curiosité, en confirmer de possibles conflits internes en Keiju, conflits qui se font pressentir au fil du tome via quelques indices glissés par le mangaka.

A l'arrivée, il est particulièrement difficile de se prononcer sur ce premier tome de Shadow of the Ring. D'un côté, Kaiji Nakagawa met en place un petit univers fictif ayant à la base ses évidentes originalités, mais l'auteur ne semble pas encore les exploiter totalement en restant peut-être un peu trop "sage" dans le rendu. De l'autre côté, l'intrigue qui s'installe autour de certains conflits entre pays s'avère classique mais pourrait tout à fait décoller grâce à d'autres éléments comme les prémisses de conflits personnels en Keiju. Dans l'immédiat, on a alors un premier volume dont on pouvait espérer un peu plus mais qui accomplit l'essentiel, à savoir capter suffisamment l'attention pour donner envie de connaître la suite.

Concernant l'édition française, Ki-oon a une nouvelle fois soigné sa copie. A l'extérieur, la jaquette reste sobre et proche de l'originale japonaise, tout en s'offrant un logo-titre bien dans le ton. Et à l'intérieur, le papier suffisamment épais et souple permet une bonne qualité d'impression, le travail de lettrage est très convaincant, et la traduction effectuée par Anne-Sophie Thevenon est toujours limpide, cette traductrice étant généralement très douée dans les mangas de ce style.

Critique Vol.1 Shadow of the Ring - Manga (2024)
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Author: Allyn Kozey

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